gobeletUn objet d'art, chargé d'histoire, après trois cents ans et plusieurs changements de propriétaires, retrouve le Saulnois grâce aux efforts conjugués d'une Dieuzoise passionnée par l'Histoire locale et de l'association des Salines Royales de Dieuze. 

Le gobelet en verre gravé en 1723 dans un atelier lorrain aux armes du seigneur de Molring et Guizeling, officier aux salines Royales de Dieuze était en vente dans une galerie parisienne spécialisée dans les objets en verre. Véronique Bouras, habitante de Dieuze, très au fait de l'actualité artistique et patrimoniale touchant à l'histoire du Saulnois, informa immédiatement l'association des salines Royales de Dieuze qui sauta sur l'occasion. 

En effet, en vue de l'installation future d'un espace muséographique dans la troisième et dernière salle de la Délivrance, l'acquisition de toute oeuvre ou document en rapport avec l'exploitation du sel à Dieuze se révèle judicieuse. Pour une somme conséquente de 1800 €, l'association a donc acheté le fameux gobelet. 

Dans le texte ci-dessous, vous trouverez toutes les explications permettant de mieux apprécier l'importance, pour Dieuze et le Saulnois, de cette acquisition exceptionnelle qui a été présentée hier soir au public par Jean-Paul Gaillot (historien local) et Bernard François (Président de l'Association des Salines Royales) lors de la projection du film "D'un siècle à l'autre" réalisé en 2015 par JP Gaillot.gobelet2

Le gobelet du Seigneur de Molring et Guizeling

Ce gobelet déploie tout un décor faisant référence à un officier de la saline de Dieuze. Les armes gravées sont écartelées, 1er et 3ème d’or, aigles aux ailes déployées de sable couronnées d’or ; au 2ème et 4ème d’azur au cerf bondissant au naturel, celui du 2ème quartier tourné à droite, du 4ème quartier tourné à gauche.
Ce sont celles de François-Paul Goury de Theillier, Seigneur de Molring et Guizeling qui fut jusqu’en 1731 boutavant (Officier Juge) de la saline Royale de Dieuze, soit le quatrième juge responsable de la mise du sel dans les vaxels (unité de mesure), du partage des sels et du registre des délivrances.

Deux gobelets provenant d’un même atelier

Les historiens du verre considèrent que les verres gravés français et lorrains sont apparus dans la seconde moitié du XVIIIème siècle. En Lorraine, nous connaissons deux exemples du 1er quart du XVIIIe siècle : le gobelet daté de 1723 aux armes du seigneur de Molring, celui daté de 1719 aux armes du duc de Coislin, évêque de Metz.

Au-delà de la forme générale identique de ces deux gobelets, la composition des décors reste très proche, à savoir, un blason, entouré d’un décor – entrelacs pour l’un, scène de chasse pour l’autre – faisant la jonction avec la description datée des titres se référant au dit blason.

L’inscription du gobelet « Coislin » étant « Vive Monseigneur le duc de Coislin, Evêque de Metz » : au regard de la graphie particulière de l’inscription et de la qualité de la gravure à la roue de ces deux gobelets, nous pouvons supposer qu’ils proviennent vraisemblablement du même atelier.

Le verre gravé en Lorraine

Les ateliers lorrains se sont très tôt inspirés de la gravure à la roue des artisans bohémiens, gravure qui fit le prestige de la verrerie allemande. De par sa proximité géographique, la Lorraine attira de nombreux verriers et graveurs bohémiens dont la production supplanta dans le courant du XVIIIe siècle la production verrière à la « façon de Venise »

De Nombreux noms bohémiens apparaissent dans les registres lors de la création de verreries dans la forêt de Saint-Quirin, soit, dès 1741 à La Charmille, en 1750 et 1752, avec les familles bohémiennes Bucher et Lettembach connues pour la « manufacture de cristaux et de verres de table façon de Bohème » Lettembach et La Charmille se regroupant par la suite sous le nom de Société de Saint-Quirin, connue pour la production de verre à vitres de grande taille, de verres et gobelets à la façon de Bohème qu’elle exporta vers Paris.

Aussi, avons-nous un historique de la production verrière à la façon de Bohème peu avant 1750, production qui se développa à la faveur du retour à la paix en Lorraine.

Ce type de production s’illustre au Musée lorrain à travers un gobelet taillé à pans, gravé aux armes de Stanislas et Catherine Opalinska, verre attribué à la fabrique de Saint-Quirin.

Par contre, le peu de verre gravé à la façon de Bohème du 1er quart du XVIIIe siècle subsistant à notre connaissance, il est difficile d’en attribuer un centre de production particulier. SeuleS la présence des armes de personnages lorrains – Coislin, et Molring - sur ces gobelets et la similitude de la gravure, nous incitent à attribuer ces deux gobelets à un atelier lorrain fortement influencé par la production bohémienne.

Ainsi, ces verres représentent-ils une production « primitive » d’un style qui fera la richesse de la Lorraine un demi-siècle plus tard.

 

Commentaires   

+1 #1 Bernard Mouchot 01-06-2016 13:40
Bravo pour cette trouvaille et son rapatriement à Dieuze , non loin de Molring.
Mais je dois faire un rectificatif , le Seigneur de Molring n'est pas du tout mort, il est bien vivant et malgré son âge respectable , il exploite toujours les terres de son domaine de Molring.
Je l'ai d'ailleurs rencontré hier, et partagé avec lui un plein gobelet d'un breuvage produit sur ses terres.
Il se tiend â votre disposition, en son Chateau ( mairie du village) où il possède et conserve jalousement le blason officiel des lieux .
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